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Caroline. Il jouit d’une si haute considération ! Il sera premier ministre un de ces jours, je n’en doute pas.

— Je prends votre fou… Croyez-vous ? Vous vous entendez un peu à la politique.

— Oh ! non ; pas trop. Mais mon père et mon oncle s’en occupent beaucoup ; les messieurs s’y connaissent infiniment mieux que les dames. Nous devons toujours nous conformer à leurs décisions sur ces questions. Je crois que je vais vous prendre le pion de la reine. — Vous partagez les opinions politiques de lord Vargrave ?

— Oui, je le pense ; du moins je compte me laisser diriger entièrement par lui, je suis content que vous n’aimiez pas la politique ; c’est bien ennuyeux.

— Certes, jeune comme vous l’êtes, et avec vos relations… »

Caroline s’arrêta court, et joua de travers.

« Je voudrais bien que nous pussions aller à Paris ensemble ; nous nous amuserions tant ! »

Et le cavalier de lord Doltimore fit échec à la tour et à la reine.

Caroline toussa ; elle étendit vivement la main pour avancer sa pièce.

« Pardon ; vous perdrez la partie si vous faites cela ? »

Lord Doltimore posa sa main sur celle de Caroline ; leurs yeux se rencontrèrent, Caroline détourna la tête, et Doltimore rajusta son col de chemise.

« Il est donc vrai ? Vous allez donc réellement nous quitter ? » dit Éveline. Elle se sentait bien triste. Mais pourtant cette tristesse pouvait bien n’être pas celle de l’amour ; elle s’était sentie toute triste aussi après le départ de Legard.

« Je ne pense pas rester longtemps absent, dit Maltravers en s’efforçant de parler avec indifférence. Burleigh m’est devenu plus cher qu’il ne me l’était dans ma jeunesse ; peut-être parce que je m’y suis créé des devoirs. En tout autre lieu je ne suis qu’un atome inutile et isolé du grand tout.

— Vous ! partout vous devez vous créer des occupations et des ressources ; vous ne devez vous trouver seul nulle part. Mais vous ne partez pas encore ?

— Non, pas encore. (La tristesse d’Éveline se dissipa en partie.) Avez-vous lu le livre que je vous ai envoyé ? »

C’était un ouvrage de Mme de Staël.