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faire aimer d’Éveline ! Je pourrais pardonner à celle-ci d’épouser Vargrave. Indépendamment du sentiment consciencieux que lui inspire peut-être l’engagement qui la lie, Vargrave a de l’esprit, des moyens, de l’intelligence, tandis que cet homme n’a rien que la fourrure lustrée de la panthère. Ai-je eu tort de le sauver ? Non. Toute existence humaine a, je pense, son utilité. Mais Éveline ?… je serais capable de la mépriser si son cœur était la dupe de ses yeux. »

Ces réflexions étaient fort injustes envers Legard ; mais elles respiraient précisément ce genre d’injustice dont l’homme de talent se rend souvent coupable vis-à-vis de l’homme qui brille par les avantages physiques : injustice que plus souvent encore ce dernier rend à l’homme de talent. Les réflexions de Maltravers furent interrompues par l’arrivée de M. Cleveland.

« Voyons, Ernest, il faut absolument que vous cessiez de fuir ces infortunés Merton ; si vous continuez à les éviter de la sorte, savez-vous ce que diront mistress Hare et le monde ?

— Non, quoi donc ?

— Que miss Merton vous a refusé sa main.

— Ce serait en effet une bien grande calomnie, dit Ernest en souriant.

— Ou bien que vous êtes amoureux fou de miss Cameron. »

Maltravers tressaillit ; son cœur orgueilleux se gonfla. Il tira son chapeau sur ses yeux, et, après un moment de silence :

« Allons, dit-il, il ne faut pas encourager les folies de mistress Hare et du monde ! Ainsi donc, toutes les fois que vous irez au presbytère, emmenez-moi. »


CHAPITRE VIII

Plus il cherchait à se faire aimer, plus il en était éloigné.
(Dryden. — Théodore et Honoria.)

La ligne de conduite qu’avait adoptée Vargrave dans ses rapports avec Éveline, était habilement tracée, et suivie avec un