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tant plus facilement l’estime de vous-même (et sans l’estime de soi, il n’y a mi foi, ni honneur) quand vous penserez que ni votre famille, ni vos amis, n’auront le regret de connaître votre faute ; que je puis en entendre parler, que je puis les rencontrer, sans me figurer qu’ils me doivent de la reconnaissance.

— Mais vous, dites-moi au moins votre nom, reprit Legard, vivement ému de la généreuse délicatesse de son bienfaiteur.

— Bah ! » murmura l’étranger avec impatience ; et il ferma la porte.

Le lendemain, en se réveillant, Legard trouva sur sa table un petit paquet, contenant une somme qui dépassait la dette qu’il avait contractée. Sur l’enveloppe se trouvaient ces mots : « Souvenez-vous de votre promesse. »

L’étranger avait déjà quitté Venise. Il avait parcouru l’Italie sous un nom d’emprunt ; car il revenait des solitudes de l’Orient, et il ne s’était pas encore accoutumé à la publicité babillarde qui environnait un nom aussi bien connu que le sien, dans les villes italiennes remplies de ses compatriotes. Legard n’avait jamais entendu prononcer, et eut bientôt oublié le nom, dénaturé par la prononciation italienne, que lui donna l’aubergiste. Le jeune homme paya ses dettes, et tint scrupuleusement sa promesse. Du reste l’aventure de ce soir-là contribua beaucoup à réformer et à ennoblir l’esprit et les habitudes de Georges Legard. Le temps s’écoula, et jamais il ne revit son bienfaiteur, jusqu’au jour où il le reconnut à Burleigh, dans la personne de Maltravers.


CHAPITRE VII

Alors, pourquoi attacher tant de prix à cette force d’âme dont ils se vantent, qui varie si souvent, et si souvent se perd ?
(Hawkins Browne.)

Maltravers était couché tout de son long sous un hêtre qui étendait ses grands rameaux sur l’une des tranquilles pièces d’eau, dont les épais massifs de Burleigh étaient entrecou-