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pour m’amuser ici, et il ne faut jamais laisser perdre une occasion. D’ailleurs Doltimore est riche, et il est toujours utile d’avoir des amis qui aient de la fortune. Je tiens Caroline aussi en mon pouvoir, et elle pourra me servir auprès de cette Éveline, que je déteste presque, au lieu de l’aimer. Elle m’a lésé dans mes intérêts, elle m’a volé l’héritage auquel j’avais droit ; et maintenant, si elle me refuse… mais non, je ne veux pas admettre cette pensée !


CHAPITRE IX

Les Dieux ont mis les événements de l’avenir hors de la portée de nos regards ; et ils rient quand ils voient des sots qui s’épouvantent des choses qu’inventent les fripons.
(Sedley. — Lycophron.)

Le lendemain Caroline revint au presbytère dans la voiture de lady Raby ; et deux heures après son retour, lord Vargrave arriva. M. Merton avait invité les principaux personnages d’alentour à se trouver avec cet hôte distingué. Lord Vargrave, qui s’appliquait à briller aux yeux d’Éveline, les charma tous par son esprit et ses manières affables. Éveline pourtant lui sembla pâle et triste. Il s’attacha à elle avec persistance pendant toute la soirée. L’intelligence mûrie de la jeune fille était plus en état que naguère d’apprécier le mérite de Lumley ; elle faisait intérieurement entre sa conversation et celle de Maltravers des comparaisons, qui n’étaient pas à l’avantage de Vargrave. L’élocution facile de ce dernier avait le don d’amuser souvent, sans intéresser jamais. Lorsqu’il se lançait dans les questions de sentiment, on voyait que ses paroles ne s’appuyaient sur rien ; il ne se sentait à l’aise qu’en traitant des sujets mondains. Caroline était gaie, elle l’était toujours lorsqu’elle se trouvait en société, mais son rire semblait forcé, et son regard distrait.

Le lendemain après le déjeuner, lord Vargrave s’achemina seul vers Burleigh. Au moment où il traversait le taillis qui formait la lisière du parc, un grand lévrier de Perse s’é-