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— Oh ! parce que, quand j’ai parlé de M. Maltravers à lord Vargrave, il a secoué la tête ; et je ne me souviens pas exactement de ce qu’il m’a dit, mais j’ai cru comprendre qu’il y avait un peu de froid entre eux. Il m’a demandé avec une certaine inquiétude si M. Maltravers venait souvent au presbytère ; et il a paru troublé quand je lui ai dit que vous étiez si proches voisins. Vous m’excuserez, vous savez, mais… ah ! ah ! ah ! nous sommes de si anciennes amies ! et si lord Vargrave doit venir passer chez vous quelque temps, il lui serait peut-être désagréable de rencontrer… vous m’excuserez. J’ai pris la liberté de lui dire qu’il n’avait pas lieu d’être jaloux de M. Maltravers, ah ! ah ! car il n’était guère homme à se marier. Mais j’avoue que je n’ai pu m’empêcher de penser que miss Caroline était l’objet… vous me pardonnerez… ce n’est pas pour faire des cancans, mais… ah ! enfin tout bien considéré, il vaut mieux que ce soit lord Doltimore. Allons, allons, je vous souhaite le bonjour. J’ai pensé qu’il valait mieux que vous fussiez avertie. N’est-ce pas que mon phaéton est joli ? Mes compliments affectueux à M. Merton. »

Et la dame partit.

Pendant cet entretien Maltravers et Éveline restèrent seuls avec Sophie. Maltravers était resté penché au-dessus de la petite fille, occupé à ce qu’il semblait d’écouter son babil ; tandis qu’Éveline, qui s’était levée pour donner la main à mistress Hare, au lieu de se rasseoir, s’acheminait vers la fenêtre, et s’occupait d’arranger une corbeille de fleurs qui se trouvait dans l’embrasure.

« Ah ! c’est joli, monsieur Ernest, dit Sophie (qui prononçait toujours ce nom en zézeyant), c’est joli, vous ne vous souciez guère de nous. Vous êtes si longtemps sans venir nous voir ! n’est-ce pas, Éveline ? J’ai bien envie de ne pas vous parler, monsieur, je vous assure !

— Ce serait un châtiment par trop sévère, miss Sophie ; seulement, par bonheur pour moi, c’est sur vous qu’il retomberait. Vous ne pourriez vivre sans jaser, jaser, jaser !

— Mais je n’aurais plus jamais jasé peut-être, monsieur Ernest, si maman, et ma jolie Éveline, n’eussent été si bonnes pour moi ; » et l’enfant secoua tristement la tête, comme si elle avait pitié d’elle-même. « Mais vous ne resterez plus si longtemps sans venir, n’est-ce pas ? Sophie pourra jouer demain ; il faudra venir demain balancer Sophie : il n’y a plus d’escarpolette depuis que vous ne venez plus. »