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gagnaient au jeu. En compensation ils l’accablaient de cette sorte de flatterie à laquelle les jeunes gens savent si bien donner toutes les apparences d’une cordiale admiration.

« Vous avez assurément les plus beaux chevaux de Paris ! Vous êtes réellement le meilleur enfant du monde ! Savez-vous, Doltimore, ce que dit de vous la petite Désirée ? il faut en vérité que vous ayez tourné la tête à cette fille. »

Ce genre d’adulation de la part du sexe masculin n’était pas contre-balancé par une grande froideur de la part de l’autre. Lord Doltimore à l’âge de vingt-deux ans était un fort bon parti ; et, quelque peu d’intelligence qu’il eût, il en avait cependant assez pour s’apercevoir qu’il était l’objet de beaucoup plus d’attention, tant de la part des danseuses en quête d’un protecteur que des jeunes demoiselles à la recherche d’un mari, que tous ses camarades habituels, bien que plusieurs d’entre eux fussent de fort beaux garçons.

« Vous ne resterez pas longtemps à Londres maintenant que la saison est finie ? dit Vargrave, lorsque, après le dîner, il se trouva, grâce au départ des dames, auprès de lord Doltimore.

— Non vraiment ; même dans la saison je n’aime pas beaucoup Londres. Le séjour de Paris m’a un peu gâté, et je n’en aime plus d’autre.

— Paris est assurément une ville délicieuse ; le laisser-aller de la vie française a un charme qui manque à notre froide et cérémonieuse ostentation. Néanmoins Londres doit avoir bien des séductions pour un homme tel que vous.

— Mais, en effet, j’y ai beaucoup d’amis ; cependant après les courses d’Ascot je m’y ennuie un peu.

— Avez-vous des chevaux sur le turf ?

— Pas encore ; mais Legard (vous connaissez peut-être Legard ? un excellent garçon) me presse d’y tenter la chance. La fortune m’a souri aux courses de Paris ; vous savez que nous y avons établi des courses. Les Français y prennent goût, tout naturellement.

— Ah vraiment ! Il y a si longtemps que je ne suis allé à Paris ! — c’est un plaisir plein d’intérêt. À propos de courses, je vais chez lord Raby demain ; je crois avoir lu dans un journal du matin que vous aviez parié une somme considérable pour un cheval qui doit courir à Knaresdean.

— Oui, Thunderer ; je pense acheter Thunderer. Legard, le colonel Legard (il était dans la garde, mais il a vendu son grade) est bon juge, et il me conseille de faire cette acqui-