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à cacheter ; le papier en était bleu, l’écriture commerciale ; elle n’était pas sous enveloppe, en somme son extérieur dénotait son origine infernale : c’était la lettre d’un créancier !

Lumley l’ouvrit en poussant une exclamation d’impatience ! Le créancier était un orfévre (l’argenterie de Lumley était fort admirée) qui depuis plusieurs années réclamait en vain son argent. La somme était considérable ; il menaçait Lumley d’une contrainte. Une contrainte ! c’est une bagatelle insignifiante pour un homme riche, mais non pas pour celui qu’on soupçonne d’être pauvre ! pour un homme qui dans ce moment même poursuivait un but si élevé, un homme à qui l’opinion publique était nécessaire, un homme qui savait que son titre seul le préservait, et encore le préservait à peine, de la réputation d’aventurier ! Il lui fallait onc recourir de nouveau aux usuriers ! Son petit domaine était depuis longtemps trop grevé pour lui servir de caution. L’usure, toujours l’usure ! Il en connaissait le prix, et il soupira ; mais que pouvait-il faire ?

« Ce ne sera que pour quelques mois ; quelques mois encore, et Éveline m’appartiendra. Saxingham m’a déjà prêté ce qu’il a pu ; mais il est lui-même dans l’embarras. Cette diable de place, comme elle me coûte cher ! et ces misérables disent que nous sommes trop bien payés ! Moi, qui vivrais heureux dans un grenier, si ce pays entiché de ses richesses voulait bien permettre aux gens de vivre selon leurs moyens. Mais… mon collègue, le subrogé-tuteur d’Éveline ; l’ancien correspondant de mon oncle ! Ah ! c’est une heureuse inspiration ! Il connaît les conditions du testament, il sait qu’au pis aller je toucherai trente mille livres sterling[1] si je vis encore dans quelques mois d’ici ; je vais le trouver ! »

  1. 750,000 francs.