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tentions furent examinées d’un œil plus jaloux et moins tolérant que jadis. D’orgueilleux aristocrates commencèrent à se souvenir que ce titre, né de la veille, n’était soutenu que par une fortune médiocre ; des hommes d’un génie plus éclatant commencèrent dédaigneusement à n’estimer le futur ministre que comme un administrateur officiel, propre seulement aux affaires de détail. Il perdit une grande partie de cette popularité personnelle qui avait été naguère un des secrets de sa puissance. Mais ce qui lui fit le plus de tort dans l’opinion de son parti et du public, ce furent certaines circonstances équivoques et obscures, qui se rattachaient à une courte période pendant laquelle le ministère dont il faisait partie fut renversé. On remarqua, à cette époque, que les journaux du parti qui succéda se montrèrent singulièrement polis vis-à-vis de lord Vargrave, tandis qu’ils accablaient d’injures tous ses collègues ; et l’on soupçonnait fort qu’il se tramait de secrètes négociations entre lui et le nouveau ministère, lorsque ce dernier fut soudain dissous, et que le parti avoué de lord Vargrave rentra aux affaires. Les vagues soupçons qui s’étaient attachés à lui prirent une certaine consistance dans l’opinion publique, quand on vit qu’il était d’abord exclu de l’administration réintégrée. Lors que plus tard il y fut admis, à la suite d’un discours qu’il prononça, et dans lequel il fit voir qu’il pouvait devenir dangereux si on ne prenait soin de le ménager, on lui donna précisément les mêmes fonctions qu’il avait remplies auparavant, mais qui ne l’admettaient pas au conseil des ministres. Brûlant de ressentiment, Lumley aurait bien voulu refuser ; mais hélas ! il était pauvre, et, qui pis est, accablé de dettes ; sa pauvreté, bien plus que son envie de rentrer aux affaires, le força d’accepter. Il reprit donc ses fonctions ; mais quoiqu’il eût fait des progrès immenses dans les débats, il sentit qu’il n’avait pas fait un pas dans sa carrière politique. Depuis qu’il était revenu aux affaires, son ambition, alimentée par son mécontentement, l’avait poussé à faire tous les sacrifices pour raffermir sa position. Il répondait aux sarcasmes que suscitait sa pauvreté en augmentant ses dépenses, et en répandant partout le bruit de son prochain mariage avec une héritière, dont il trouvait moyen d’exagérer encore la fortune, quelque grande qu’elle fût déjà. Comme son ancienne maison dans Great George Street, bien adaptée à un plébéien remuant, ne convenait plus au fonctionnaire patricien et fashionable, il avait, dès son avè-