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à l’administration de ses propriétés ; déjà Éveline prenait intérêt à tout ce qui pouvait intéresser son ami. Éveline Cameron possédait à un très haut degré une des excellentes qualités de la femme : en dépit de l’heureux enjouement de son caractère, elle savait être tranquille. Sous le toit de sa mère silencieuse et rêveuse, elle avait insensiblement acquis l’habitude de ne jamais déranger les autres. C’est là un charme inappréciable dans les relations domestiques.

« Ne trouvez-vous pas que miss Cameron a une charmante physionomie ? »

Cette question fit tressaillir Maltravers ; c’était la traduction littérale de sa pensée en ce moment. Il réprima l’élan d’enthousiasme qui montait à ses lèvres, et répéta avec calme l’expression de M. Merton :

« Charmante, en effet !

— Et puis elle a un si excellent caractère ; elle est si naturelle ; on l’a admirablement élevée. Lady Vargrave est, à ce qu’il paraît, une femme exemplaire. Le fiancé de miss Cameron possédera véritablement un trésor. Il est digne d’envie.

— Son fiancé ! s’écria Maltravers en pâlissant beaucoup.

— Oui ; lord Vargrave. Ne saviez-vous pas qu’elle lui a été fiancée dès l’enfance ? C’était le vœu, l’injonction même du feu lord, qui lui a laissé son immense fortune, sinon à cette condition, du moins dans cette intention. N’en aviez-vous jamais entendu parler ? »

Pendant que M. Merton parlait, un souvenir revint soudain à Maltravers. Il avait, en effet, entendu Lumley lui-même parler de cet engagement ; mais c’était auprès du lit de douleur de Florence. Il avait, dans un pareil moment, prêté peu d’attention à ses paroles, et dans la suite, mille préoccupations, mille événements en avaient effacé le souvenir. M. Merton continua :

« Nous attendons bientôt lord Vargrave au presbytère. Je présume que c’est un amant fort épris, mais les affaires publiques le retiennent prisonnier à Londres. Il a prononcé hier au soir un admirable discours à la chambre des Pairs ; du moins c’est l’avis de notre parti. Le mariage doit avoir lieu dès que miss Cameron aura atteint l’âge de dix-huit ans. »

Accoutumé à se contraindre, et habile dans l’art orgueilleux de cacher ses émotions, Maltravers ne trahit aux regards de M. Merton aucun symptôme d’étonnement ou de consternation en apprenant cette nouvelle. Si le recteur eût