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un voyage

sainte maison de force. Le troisième bedeau bondit, tel un chat tigre : « On ne sort pas par là ! ». Un certain nombre de paroles fortes traversent ma pensée. Seulement je les retiens. Je demande avec une douceur haineuse : « Y a–t-il une heure où on puisse se mettre où on veut dans l’église ? » « De dix heures à onze ! » riposte mon bedeau en me refoulant vers la porte. Je m’en vais, songeant aux douces églises de France, aux églises passionnées d’Italie. Mais les Français, les Italiens, ce sont des peuples fâcheusement dépourvus de principes, de tenue, et quant au sens de la discipline… Pauvres gens ! Dans leurs églises on prie, on admire, on marche, on rêve à son gré ? Qu’ils n’aspirent pas à mener le monde, surtout !…

Je ne suis pas contente de ces bedeaux. Et d’une façon générale je ne suis pas contente de l’Allemagne, tandis que je descends vers la Dom Platz. Pourtant, il y a là, au milieu des tramways, des automobiles, du bruit, un petit jardin d’herbe et de roses rouges… Ces roses s’appellent Grüss aus Teplitz. Elles fleurissent sur de vigoureux arbustes dont les feuilles aussi sont rouges, mais moins rouges que les roses ! Qu’il y en a, de ces roses ! Il y en a tant qu’on n’en voudrait pas une de plus ! Elles montent, descendent le long des tiges, se mettent en touffes, se tendent, s’offrent, se cachent. Comme il y en a ! Et à mesure que la lumière diminue, elles sont plus rouges, toujours plus rouges, et tandis que, autour, le bruit s’apaise, elles soufflent un parfum plus riche, plus épais, plus royal.