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un voyage

lumière plutôt que son. Pourtant tout cela ne satisfait point. L’église trop claire et froide a beau être pleine de monde, elle garde l’aspect creux et déserté que les cérémonies même, laissent aux églises hollandaises. Et ce n’est pas une cérémonie, c’est un concert. Je n’aime pas les concerts dans les églises… Le merveilleux orgue d’Harlem me déçoit. Et puis mon appétit du musée est devenu trop fort. Je m’en vais, vite, Ah ! personne ne marche aussi vite par les rues de Harlem !

M’y voici enfin, dans ce musée ! Depuis ma dernière visite on l’a transporté de l’hôtel de ville à l’hôpital : régents et régentes sont rentrés chez eux.

Au centre de la bâtisse, une grande cour pavée de minces briques enserrant des buis taillés. Là tout est rouge, rose, ou d’un vert grave. L’air ne remue rien. Les petites têtes rondes des buis résistent à son mol effort, fixes et comme sculptées dans une dure matière luisante.

La qualité du silence vous donne, je ne saurais dire pourquoi, l’illusion d’être dans une grotte au fond d’une vallée sans chemins. Dès l’entrée, j’étouffe mon pas, j’ai peur de rompre cet enchantement. Tout à coup, l’absence du bruit étant absolue jusqu’à serrer le cœur, un son frêle naît dans l’air. Franchissant bien des murs, bien des jardins, atténuée par la distance et de mystérieux obstacles, la voix liquide d’une flûte arrive, éparpillant des regrets.

Et une minute, je me crois seule sur la terre, seule avec cette flûte invisible…