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amsterdam

suivait des yeux avec une attention extraordinaire. Puis, comme les autres, elle se hâta de nous rejoindre. Je pense qu’elle tire son bas de l’armoire dès qu’elle entend le sifflet du bateau, et l’y remet, les voyageurs partis. Peut-être ne sera-t-il jamais fini. Qu’importe ! Ce ne sont plus sans doute les femmes des pêcheurs qui font les grands bas serrés à la cheville ou au genou par les amples culottes noires : ils doivent être envoyés dans les îles par quelque fabrique allemande, et sans doute aussi, les beaux corsages aux dessins rouges comme des cerises et verts comme des feuilles naissantes. Elles ne sont pas, ces îles, séparées du monde comme nous aimerions à le croire ! Pendant la « saison des étrangers », n’y apporte-t-on pas chaque matin ces énormes raisins noirs, insipides et magnifiques, forcés dans les serres de Belgique, et que les plus jolies filles du village offrent au débarcadère…

Clair et détestable symbole, ces raisins !…

Les pêcheurs des îles sont de vrais pêcheurs, ils mènent leur vie, se tiennent à leurs vieilles coutumes. Oui, et puis aux vieilles ils en ont ajouté une autre : la coutume de faire visiter leurs maisons, d’exhiber la couleur locale. Ils savent que les unes et l’autre sont des objets d’étonnement pour tous les peuples de la terre. Pendant plusieurs mois chaque année, une centaine de personnes viennent tous les jours les trouver curieux, et leur montrer qu’elles les trouvent curieux. Ils acceptent cela, en tirent profit, y prennent un certain plaisir — les femmes au moins. Mais où mettent-ils leur sincérité ?