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un voyage

l’indiscrétion des vivants. Il faut emporter avec soi le secret de sa forme, comme celui de ses pensées les plus chères. Il faut que ceux d’après, ne sachent rien de votre vérité profonde, et qu’ils ne puissent mesurer ni la largeur de vos épaules, ni vos peines ni vos joies. Ah ! certes, il vaut mieux que le monde ait oublié votre nom enfoui sous les siècles qui s’entassent, que, guindé devant une draperie de catafalque éclairé par une lampe électrique se tenir, atroce pour toujours, ou lamentable, sous les yeux railleurs. Pourtant, nombre de personnes souhaitent de toute leur âme, devenir cette momie, plutôt que la poussière anonyme qui fait fleurir les plantes…

Et après avoir entrevu le sable des arènes, tout chaud de soleil grec, et que soulevait sous ses pieds le cheval du vainqueur à la course ; après avoir frémi dans les bois transpercés de lumière où hurlent les ménades ; après avoir senti sur mon visage la fraîcheur terrible des hypogées d’Égypte, je reviens dans la rue hollandaise, calme et sûre. Les maisons aux pignons ouvragés jettent des ombres fines, ou s’animent sous le soleil qui traverse une vapeur molle. Dans les jardins, les belles fleurs rares, cultivées avec patience, répandent leurs aromes. Tout s’imprègne de lenteur et de sérénité. Je m’apaise. J’ai cru sentir le tourbillon du temps passer sur moi avec ses épouvantements. Mais