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leyde

momies se dressent en ligne contre le mur. D’abord, on est avec elles dans une demi-obscurité ; puis, brusquement, le gardien allume une lampe électrique, et cela n’arrange pas les choses… Devant vous, tout près, une de ces personnes apparaît sinistre, particulièrement. Sa face de bitume luit comme d’une moiteur affreuse, elle regarde. En vérité, elle regarde et de quelle pénible façon ! Les paupières se relèvent, découvrant la substance blanchâtre dont les orbites sont remplies et où des grumeaux bruns imitent très exactement des prunelles mates, de hideuses, d’insupportables prunelles. Une ombre portée rend ce regard oblique. Il ne va pas au hasard, devant lui. Non ! La momie s’intéresse à quelque chose, là-bas, dans le coin le plus sombre… Ses lèvres aplaties, rétractées, laissent voir les dents dont quelques-unes sont cassées. Ces petits fragments d’ivoire, trop clairs dans la face marron, on les compte, on examine les vides qui les séparent ; ils fascinent. Et on se souvient sans plaisir, de ce fou dont Edgar Poe raconte, qu’une nuit, il s’en fut déterrer une morte afin de lui arracher toutes les dents, parce que, quand cette femme vivait, ses dents lui avaient paru être « des idées »…

Pauvre momie, arrangée là de façon à faire horreur, restes d’une créature dont l’âme fut peut être délicate… Pauvre momie ! On a mal calculé en prenant les soins pour que son corps, résistant aux siècles, reposât dans quelque belle tombe peinte. Les cadavres, trop bien conservés, tentent