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la haye


demande une voix gouailleuse. Et comme Jean, plus grand que son frère, touchait l’échafaud de la tête : « Pendez celui-là un échelon plus haut ! » répond l’homme de Dieu…

Le prince d’Orange avait quitté la ville de bon matin, sous prétexte d’inspecter les troupes. Sa présence eût sauvé les de Witt. Il n’était pas là.

Guillaume III est un beau type d’énergie morale ; constamment il faut qu’on l’admire, mais ces deux morts le tachent irréparablement. Car ce n’est pas l’abjecte populace qui tua les frères, c’est la haine de Guillaume qui, ensuite, devait être tant haï par le peuple qu’il servait si bien.

La visite de la prison s’achève. « Nous sommes dans l’infirmerie, annonce le gardien. Corneille de Witt, très malade au début de son procès, y a passé quelques jours. Sur cette poutre, le dessin creusé au couteau, c’est lui qui l’a fait. Cela représente la maison de son frère, où, l’été, toute la famille se réunissait à la campagne. »

Et plus que le chevalet de torture, plus que la chambre des lentes agonies, plus que ce mur au bord du Vyver où tout le sang de ces braves cœurs a coulé, plus que la place de l’échafaud où se balançaient leurs cadavres outragés, plus que tout cela, est poignant ce dessin soigneux qui raconte les regrets, les tendresses, et la mémoire des bonheurs perdus.