être voudraient les sauver de ces mains effroyables.
Il est trop tard : la vague de nouveau se dresse, se
recourbe, les engloutit. Jean ne voit plus Corneille,
qui déjà est à terre, haché ; on danse sur son cadavre.
Jean a roulé son manteau autour de sa tête nue,
pendant quelques secondes il avance, se défend. On
tire un pistolet à bout portant. Il tombe. Il n’est
pas mort. Il lève ses mains jointes et ses yeux vers
le ciel. Des rires, des injures éclatent. Un coup de
crosse lui fracasse le crâne. Alors on fait cercle, on
décharge vingt mousquets sur ce corps tressautant. Puis une salve en signe de réjouissance. Ces
gens sont gais, pleins du sentiment de victoire et
d’infâme fraternité, qui suit les crimes accomplis en
commun. On dépouille les cadavres. Un valet de
poste court sur la place avec le manteau poissé de
sang qu’il a volé, disant à tous : « Voilà la guenille
du traître, du grand Jean ! » Et puis on charcute
ignoblement les corps chauds. L’un emporte un
morceau de chair pour le manger : l’autre déchiquette les mains. Tous veulent leur lambeau, Le
soir, un homme acheta pour deux sous et un pot
de bière les doigts du Grand Pensionnaire de Hollande. On emporte enfin les frères et on les pend
la tête en bas sur l’échafaud, tout proche, et qu’on
voyait de la maison de Jean, la maison où étaient
les siens…
La foule demeure. Enrouée, les mains rouges, elle ne peut se détacher du spectacle grisant. Un pasteur orangiste s’approche. Il vient voir l’ouvrage fait, « Sont–ils bien pendus, monsieur le pasteur ? »