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la haye


quelques vers. Puis Jean ouvre une Bible et lit à haute voix. Ils attendent. Des soldats sont venus. Ils ne peuvent disperser l’immense foule enragée, mais ils protègent la porte. Tant qu’ils seront là avec Tilly, leur énergique officier, nul n’entrera. Les heures passent. Jean demande à dîner. Le geôlier les sert, tremblant d’une sorte de peur mystique. Ce n’est pas de leur danger qu’il a peur, c’est de leur courage. Un ordre vient aux soldats de se retirer. Tilly résiste. Il sait que, lui parti, les deux malheureux sont perdus. Les magistrats répètent leur ordre. Les soldats s’éloignent. C’est la fin. La porte extérieure est enfoncée, les pas lourds se précipitent dans la chambre. À coup de crosse on fait lever de son lit Corneille. Jean est frappé à la nuque par une pique. Pâle, saignant, il se découvre : « Tuez–moi », dit-il, si terriblement calme que les brutes hésitent. Une voix crie : Non ! à l’échafaud ! ». « Oui, oui, l’échafaud ! », répondent toutes les voix. Poussés hors de la chambre, trébuchants, frappés, insultés, les deux hommes en arrivant à l’escalier plein d’ombres opaques se serrent la main, et ensemble : « Adieu, frère ! », Puis ils s’enfoncent dans le trou noir, portés plutôt qu’ils ne marchent.

Ils sont dehors, la foule a un immense remous. Au sortir des ténèbres, ils la reçoivent sur eux comme une vague formidable, hurlante, miroitante d’atroces regards. « L’échafaud ! l’échafaud ! », disent encore ceux qui les mènent et que la majesté de leur courage a peut-être touchés, et qui peut–