Page:Bulteau - Un voyage.pdf/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
la haye


stathouder de Hollande et roi d’Angleterre. Jean de Witt surveilla de près l’éducation de cet enfant, auquel on refusait son héritage d’autorité. Et sans doute crut–il être très bon, quand il essayait de fermer devant lui les routes de l’orgueil. Il le dirigea de manière à ce qu’il eût, — s’il se pouvait ! — l’âme d’un bourgeois respectueux de la République hollandaise. Et le redoutable petit garçon subit tutelle, avis, leçons avec déférence, car dans ses veines coulait le sang du Taciturne, et il avait le don de se taire, d’attendre et de ne céder jamais.

Jean de Witt fut bon politique, grand patriote et mauvais psychologue. Il ne comprit pas qu’il ne faut vouloir courber que les menues branchettes, d’elles-mêmes pliantes, et que les fortes branches échappent, se détendent et vous frappent cruellement au visage.

Croyant de toute son énergie, de toute sa sincérité, que le gouvernement dont il était l’âme pouvait seul maintenir la nation glorieuse et, dans le péril, la sauver, le Grand Pensionnaire mit un soin constant à préparer des obstacles pour l’ambition de son élève. Aveuglé, il n’aperçut pas que celui qu’il voulait dompter était, par excellence, l’indomptable. Et Guillaume haït comme il faisait toutes choses cet homme qui prétendait entraver son destin.

Au moment où Louis XIV envahit la Hollande, le prince d’Orange avait vingt ans. Les longues souffrances d’orgueil, et le silence, avaient déjà