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un voyage

silence et la solitude… On éprouve là un désir de rester immobile, de ne vouloir plus rien.

J’ai passé à Gubbio une des heures les plus chargées de tristesse dont je me souvienne.

À Citta di Castello, j’achève ma visite de la ville au palais Vitelli. Un Florentin de grand goût, l’a arrangé, — non restauré, grâces au ciel ! — Les fresques gardent leurs éraflures. Quelques vieux meubles, contemporains du palais, font mieux sentir le vide des salles obscures. Derrière, on voit un jardin où poussent des légumes et des fruits. Au xve siècle, des fruits et des légumes pareils mûrissaient dans le clair enclos. Des tables, des coffres, des tableaux analogues à ceux-ci, décoraient les chambres. Et les fresques sont là depuis quatre cents ans. Toutes ces choses usées, fanées, dégagent de la poésie, puisqu’elles rapportent l’image pâlie, mais exacte du passé… Mon esprit, dompté par les mystiques paysages, refuse l’enchantement. Et voici le souvenir que j’emporte de ce palais. Dans la plus riche salle, sous les arabesques et les personnages qui ornent le mur de leurs inventions abondantes, l’artiste a mis un chien. Pas bien beau, ni de grande race : c’est un chien vulgaire, un peu niais, un vrai chien, un portrait ressemblant. Il sautait, aboyait, dans ces pièces moroses, où le pas des visiteurs étrangers s’entend seul. Au retour du maître, le bon chien