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padoue

On devient fou, on meurt là-dedans. Attilio y reste un an, avec ses craintes et ses souvenirs. Il ne meurt pas, ne devient pas fou, au contraire. Les pièces du procès ont été perdues — ou détruites. — Seuls demeurent les interrogatoires. Jamais accusé ne montra plus imperturbable sang-froid. On lui met sous les yeux le manche de rasoir trouvé chez lui et qui s’adapte exactement à la lame trouvée près de la marquise. « Bien des rasoirs s’adaptent à bien des manches », dit-il. Le bouton d’or et d’ambre est pareil aux siens. — Le bouton d’ambre n’est pas à lui. — Il a acheté un narcotique, disant qu’il voulait endormir une femme qui lui résistait ? — Il nie. Il nie tout. Pas une hésitation, une maladresse. Il nie. Les juges annoncent qu’on va lui donner la torture : « Vos Hautes Seigneuries tortureront un innocent », répond-il avec calme. On lui donne la torture. Il est étendu sur une table qui s’élève et s’abaisse au moyen de poulies. Ses pieds dépassent la table ; dessous il y a un brasier si ardent que, malgré le froid extérieur, les « Hautes Seigneuries » suent à grosses gouttes et font ouvrir les fenêtres. On descend la table, la flamme touche les pieds nus, Pavanello hurle : « Saint Antoine ! » — comme faisait Lucrezia dans l’affreuse nuit. — Puis il crie : « Je suis innocent ! » Il le répète encore lors qu’on le brûle une seconde fois. Encore lorsqu’on le brûle une troisième. Et tandis qu’on l’emporte dans son cachot, il dit aux geôliers cette étrange parole : « Je souffre tout cela pour ce chien de marquis, que j’ai si bien servi. » On recommence trois