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padoue

son château de Cataio, on a construit une chapelle pour loger les reliques dont elle est friande. Même le cardinal Corredi lui fait hommage du corps entier d’un saint — on ne sait pas quel saint, mais n’importe ! — Avec cela Lucrezia est une dame de belle mine et de grandes façons. Elle a une gaieté douce, une affabilité qui prend les âmes ; nulle roideur ascétique : de la grâce, seulement. On ne vient pas près d’elle sans qu’on ne l’aime aussitôt.

Sa vie est un peu resserrée par des méfiances inquiètes, car Pio degl’Obizzi a un grand nombre d’ennemis. Avoir des ennemis, en ce temps-là et à Padoue, cela vous exposait chaque soir à trouver un assassin à l’angle des rues. Une fois, ces ennemis attaquèrent le marquis dans l’église de Saint Augustin, pensant le tuer. Mais, le ciel le protégeait. Il échappa.

Doit-on attribuer à ces alarmes le trouble nerveux que l’on s’étonne de rencontrer chez l’harmonieuse Lucrezia ? Presque chaque nuit elle rêve de meurtres, on l’entend se plaindre, crier. Cette sainte est-elle moins tranquille qu’on ne croit ? Ou, sait-elle son destin ?…

Donc, Pio est grandement détesté. On envie sa fortune, son faste, voire sa générosité. Et puis, certains libelles, anonymes, et fort agressifs envers la noblesse courent Padoue. Et on les lui attribue. Les a-t-il écrits ? C’est probable. Il aimait à écrire, et notamment, des drames et des comédies qu’il faisait représenter sur le théâtre de son palais, et dont ensuite il tirait de l’orgueil.