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ravenne

odeurs brûlées. Le vent recommence son bourdonnement, il s’approche. Je le sens tout près de mon visage. Il est plein de rumeurs confuses. Je crois entendre des hordes qui passent, des cris de bataille, et des rires terribles. Puis rien, un glissement furtif sur les aiguilles rousses, un craquement dur. Et de nouveau c’est le poète exilé au cœur amer, qui hante la forêt de pins. La branche rompue saigne, le damné crie de sa voix lugubre : « Pourquoi me brises-tu ? »… Un long silence. L’antique mélancolie du grand bois éternel entre en moi avec l’arôme des résines et les souffles du marécage. Mais quelqu’un est là tout proche, invisible et qui appelle. Je le connais bien ce poète, cet exilé au cœur amer qui tant de fois est venu là poser le pied, où l’autre poète avait marché ! Je le connais bien, je l’ai suivi par les routes de l’exaltation, vers les sommets de sa gaieté, de sa colère, aux abîmes de son désespoir : Byron !

C’est lui qui maintenant occupe la forêt, la traverse au galop de son cheval et trempe son beau visage contracté dans la chaleur du vent. Il chasse les autres images. Quel meilleur endroit pour s’approcher de lui ?…

Rien n’est incompréhensible comme la légende construite autour de lord Byron, et l’obstination des Anglais – ses contemporains, veux-je dire – à faire de lui un personnage satanique.