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un voyage

extraordinaires. On ne les rencontre pas. Ils regardent un peu à droite, et non dans le vague. Ils regardent quelqu’un ou quelque chose qui vient et n’apporte point la joie. Elle n’est plus très jeune, la belle impératrice, et visiblement elle est malade – malade d’avoir vécu. Quelle inexprimable lassitude sur cette figure, et quelle morne méchanceté !

Devant l’image pathétique, certains traits de sa vie vous reviennent à la mémoire, se groupent, et on croit les comprendre.

Souvent, comme fatiguée de la Cour, n’en pouvant plus, Théodora quittait Constantinople pour aller presque seule dans un de ses palais sur le Bosphore. De là, elle continuait d’envoyer ordres et conseils, mais elle échappait aux regards. Et, lorsqu’elle errait dans ses jardins remplis d’eaux et de fleurs, sans doute avait-elle cette expression que le mosaïste a fixée pour toujours.

Puis elle entretenait des espions qui allaient par la ville entendre ce qu’on disait d’elle. Si quelqu’un racontait l’une des mille et dix mille anecdotes de son passé infâme, elle se vengeait férocement.

Puis encore elle accumulait de l’argent afin de pouvoir fuir, ou racheter sa vie, se défendre si, l’empereur mourant, elle devait rentrer dans son véritable personnage.

Misérable Augusta qui, sur les tréteaux, avait fait rire le peuple à ses grimaces ; qui avait appartenu. à tout venant, baigné dans toutes les fanges ! Parce que les hommes s’agenouillaient devant elle, elle méprisait l’humanité. Elle se méprisait aussi, et