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un voyage

les questions pendantes cessèrent de pendre. Ensuite il régna. De Constantinople, l’Empereur reconnut ses droits — comment eût-il fait pour ne les pas reconnaître ? — et le barbare fut un très grand prince.

Aux souverains étrangers il parlait de très haut, et comme le mandataire de l’antique gloire romaine ; parfois il daignait leur donner en mariage ses filles naturelles. Il rétablissait l’ordre par la violence, et par la sagesse au besoin ; encourageait grandement les arts, respectait l’intelligence et se connaissait à choisir les gens. Cassiodore, l’un des plus fins lettrés du temps, était son secrétaire et rédigeait en belle forme ses pensées. Admirateur un peu snob de la civilisation latine, il tenait à ce que ses rudes soldats vissent en lui un Romain du plus délicat raffinement ; toutefois il ne permettait pas que les Romains oubliassent trop complètement que, en somme, il était un Goth : « Aux Romains les occupations de la paix, aux Goths celles de la guerre », disait-il. En d’autres termes : « Soyez élégants, cultivés, délicieux, et restez tranquilles. » Il disait encore : « Il faut quelquefois faire le fou pour donner au peuple les joies qu’il désire. » Le peuple ne devait pas supposer qu’en aucune occasion il pût faire céder la raison du chef, mais que, parfois, le chef est déraisonnable, et alors on a le loisir de profiter de sa folie, — sans espoir qu’elle dure. Évidemment, Théodoric savait gouverner.

Vers la fin de sa vie, il devint neurasthénique. On voit reparaître en lui le Barbare soupçonneux, cruel,