Page:Bulteau - Un voyage.pdf/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
427
ravenne

pés à la limite du vieux monde, y sont entrés en maîtres. Étranges personnages à physionomies équivoques. La civilisation latine se déposait sur eux avec une rapidité qui étonne. En moins de rien, ces barbares devenaient plus romains que les Romains. Odoacre même, — l’héritier immédiat du sauvage entre les sauvages : Attila, — à peine tient-il le pouvoir, qu’il s’occupe respectueusement de rendre au Sénat tout ses droits. Alaric renonce deux fois à prendre Rome, parce qu’on lui donne de l’argent pour qu’il s’en aille. Et quel besoin d’argent avait Alaric ? Certes, il ne payait pas ce qu’il lui convenait de prendre. Comment ne pas voir là un signe de son adaptation aux mœurs des civilisés ? Ces barbares étaient merveilleusement plastiques. Sans doute, est-ce pour cela qu’on a tant de peine à reconstituer leur figure.

Entre eux tous, Théodoric est le plus représentatif. Enfant, il avait vécu à la cour de Constantinople. Otage d’abord, il prit si vite de bonnes manières, qu’il plut infiniment à l’empereur Zénon, fut restitué à sa famille, laquelle campait en Pannonie, et un peu plus tard, rappelé, nommé consul, et chargé de défendre l’Italie contre Odoacre. Le condottière Théodoric se battit bien ; mais les choses n’avançant point à son gré il conclut une trêve. Odoacre, en cette occasion lui donna dans Ravenne un dîner politique où l’on devait tenir une de ces « conversations » dont la mode dure encore. À la fin du repas, la cordialité devenue entière, Théodoric fit assassiner Odoacre, et aussitôt toutes