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ravenne

ajouré. Point de mur, une succession de fenêtres que séparent de minces colonnettes — venues de Constantinople sans doute, en même temps que les rêves d’empire. — Le toit de plomb se courbe en voûte au-dessus de ces appartements, qui devaient être réservés à la vie intime. Derrière on aperçoit, dans une perspective forcée, le faîte de nombreuses constructions disparates qui emplissent la cour intérieure. Ce palais est immense, et d’une pesante magnificence. J’accepte sa réalité. Je crois être au seuil, je pourrais le franchir. Mais mon effort pour me représenter les êtres qui vivaient là, reste vain. Le palais est vide ! De l’autre côté des étoffes d’or, de laine et de soie, et il n’y a personne ; personne dans les chambres basses, personne dans la cour. Il me paraît entendre le bruit terrifiant, insoutenable que ferait mon pas sur les dalles de marbre. Entre ces murs, rien ne bouge, pas même des spectres, rien. Et pourtant ce vide est hanté. Dans l’image naïve où brillent ces étroits cubes de verres et d’or, dans ce palais si petit et si colossal, toute l’âme de Ravenne se concentre. Âme faite d’une solitude non pareille, car aucun rêve ne saurait en pénétrer le mystère.

Le palais de Théodoric, — le vrai, — il en reste un mur où s’aperçoivent encore quelques-unes des colonnettes. Et ce mur, au milieu des maisons qui le pressent, est solitaire lui aussi, plus solitaire, plus loin des hommes qu’il ne serait dans un désert.

Et puis il y a le tombeau.

Avant d’y arriver, je longe le chemin de fer. Je vois des bateaux sur un canal, on décharge des