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bologne

Bologne a les rythmes prolongés et persuasifs de la musique et de la poésie.

Comme hier soir à Vérone, il pleut. Les jours de pluie ont une sonorité particulière dans ce pays-ci. Les gens abandonnent la partie découverte des rues et vont flâner sous les arcades. Bien entendu, ils parlent tous, tandis qu’ils circulent. Le son des voix réunies et renvoyées par les murs, forme un gros bourdonnement pareil à celui que l’on entend au cœur des forêts dans les après-midi d’été. À Venise, où rien ne le couvre, ce bruit de ruche est mieux perceptible que nulle part. Mais ici même, le fracas des voitures est trop faible pour qu’on n’en saisisse pas la rumeur joyeuse. Là-bas, au nord, quand les toits ruissellent tristement, que de grosses larmes courent sur les vitres, on se rappelle, le cœur nostalgique, ce bourdonnement des jours de pluie…

San Petronio est devant moi ; un peu plus loin, la fontaine de Neptune, œuvre de ce Flamand qu’on appelle Jean de Bologne et qui alternativement sculpta de gros hommes membrus et de minces figures élégantes – trop élégantes ! – comme le Mercure d’une grâce faite pour plaire à n’importe qui, et ennuyer quelques personnes.

Sur cette place, on voit encore le rude palais du podestat, où, vingt-deux ans, le roi Enzio, fils de l’empereur Frédéric II, fut prisonnier. On le traitait avec grand respect, même il avait une douce amie, et un fils, duquel, selon la légende, la noble famille des Bentevoglio devait ensuite glorieuse-