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nuremberg

notes. Il a des pans coupés et six fenêtres. Nul ne peut me voir, et je vois bien des choses : une énorme tour, patinée à merveille ; d’anciennes bâtisses entassées ; un long fragment des remparts ; des fossés pleins de feuillages ; tout un morceau de la robuste ville ancienne que rien sans doute ne détruira. Et puis des tramways, des gens qui se hâtent vers leur travail, et, en face de la grosse tour éternelle, la gare retentissante.

Tout cela va bien ensemble. L’activité industrielle de Nuremberg est grande, à chaque minute on en est averti. Il faut venir ici pour se douter de toutes les formes que peut prendre le camion automobile, c’est prodigieux ! – Mais l’énergie du travail, l’effort vers la richesse n’attentent pas comme ailleurs au décor séculaire. L’âme moderne de la ville respecte l’âme ancienne et celle-ci tolère la nouvelle venue. Les églises et les maisons, ornées par le temps qui n’a pu les détruire, continuent leurs conseils de lenteur, de paix, d’austère pensée, de lointaine espérance. Autour d’elles les habitants de Nuremberg obéissent au rythme qui précipite vers les promptes réalisations, les jouissances matérielles, et pourtant ils conservent avec piété les signes de rêves tout différents. Qui sait si ces rêves sont morts, si quelque jour, retrouvant un peu de l’idéal oublié, les hommes ne s’apercevront pas que dans leur chasse au bonheur, ils ont choisi la mauvaise route ? La vieille Nuremberg a l’air d’attendre ce jour-là patiente, sagace, pleine de bonhomie, comme l’aïeule restée au coin de l’âtre