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nuremberg

neuves. Mais, quoiqu’on ait changé, retouché, reconstruit, on ne l’a pas fait avec cette résolution d’abolir le passé où se manifeste, si vigoureuse, la bêtise contemporaine. Tout au contraire, on s’est efforcé, soit de reproduire intégralement les formes anciennes, soit d’y rattacher le mieux qu’on a pu les formes nouvelles. Le lien subsiste, et l’harmonie. Dans sa bonté suprême, Dieu a voulu protéger Nuremberg contre le génie actif du roi Louis Ier. Qu’il en soit béni ! la chère ville n’est pas devenue néo-grecque, elle reste allemande merveilleusement.

Toute chose, ici, a un air installé pour toujours. La poussière même est solide, définitive. Elle abonde sur le mobilier des églises ; on la trouve même au musée. La stricte propreté du Nord ne règne point en cette partie de l’Allemagne. D’abord, on le regrette, puis à la fin on se prend de tendresse pour cette bonne poussière immobile : elle vous calme !

Les toits sont hérissés de lucarnes drôles, construites très exactement en forme d’ail. Un œil « en amande » auquel sa bordure de tuiles fait une épaisse paupière. Ces yeux ont une expression de grosse malice : les toits de Nuremberg semblent rire — des gens qui circulent sur le pavé peut-être ? Ou bien s’amusent-ils encore des aventures auxquelles ils assistèrent lorsque le cordonnier Sachs et le graveur Dürer passaient sous leurs yeux hilares ?

Les maisons, faites pour avoir chaud pendant les longs hivers, défendues des averses par les