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un voyage

— éclairé par ce lumignon, travaillait le scribe qui avait charge de donner une forme claire et décente aux hurlements arrachés par la douleur. Il entendait la torture, ce scribe, mais ne la voyait pas. Sans doute voulait-on ménager ses nerfs ? Et aussi, il devait avoir la tête plus fraîche, l’écriture plus belle, n’étant pas distrait par le sang, la chair en lambeaux, la sueur mortelle des tempes où les cheveux se dressent… Cet arrangement que je ne me souviens pas d’avoir rencontré, me paraît ajouter à la hideur du lieu.

Les prisons anciennes soulèvent le cœur contre la justice des hommes. Quand je m’échappe des abominables entrailles du charmant hôtel de ville, je me trouve en une disposition dangereuse à l’égard des juges. D’ailleurs, j’en suis sûre, la plupart des gens dont on a cassé les os, déchiré les tendons, crevé l’estomac dans cette ténèbre, n’étaient pas coupables ! Et quand ils l’auraient été ?… Une telle geôle cache la faute. Ah ! comme on est sage de faire les prisons modernes confortables ! Elles permettent de garder intacte, l’horreur, la haine du crime, même elles y ajoutent une indignation spéciale quant au criminel…Je ne sais si les élégances de Fresnes moralisent les délinquants, mais je suis bien sûre, qu’elles rendent le délit plus évident et moins tolérable pour l’opinion publique. Au lieu qu’une visite à la vieille prison de Ratisbonne…