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lesquelles, tant bien que mal — plutôt mal ! — l’histoire se construisait, cet hôtel de ville semble une maison de bourgeois cossu, pas davantage.

Une ligne continue de fenêtres perce la façade plate, sans nul ornement. Au milieu, un balcon sur lequel, probablement, on venait parfois communiquer au peuple ce qu’on jugeait expédient. Un dais gothique coiffe le balcon. Au contraste du mur uni, ce peu de sculpture délicate arrête l’attention et charme. À gauche un bâtiment plus petit, et comme ajouté au hasard, avance. Quelques marches conduisent à une porte délicieusement ornée. Trois personnes de front passeraient avec peine cette porte que pendant des siècles les empereurs, les princes et les évêques puissants ont franchie la tête pleine de projets, d’ambitions, de colères et d’espoirs.

La maison se couronne d’un de ces toits très hauts à brusque pente, qui donnent aux bâtiments l’air pensif. En pénétrant l’architecture du Nord l’influence italienne l’a privée de ces toits, utiles et magnifiques. Quel dommage, car enfin, s’il neige peu en Italie, il neige beaucoup en Allemagne et la neige est mêlée intimement à la poésie allemande, Aux jours d’été, quand les pays septentrionaux perdent partie de leur caractère, les grands toits gothiques parlent encore de ces neiges épaisses et pures qui renferment l’homme chez soi, et lui font une âme sérieuse, taciturne, musicale, différente de l’âme oratoire des méridionaux, Ah ! les chers toits qui se souviennent si bien des neiges et racontent