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un voyage

on me chargeait de « causer » avec l’Allemagne lorsque de temps à autre elle prend ces crises de maussaderie qui convulsent la Bourse et troublent les mères de familles…

La route sous les arbres est poétique, belle, très allemande. Et puis on débouche sur un espace ouvert, et voilà : le Parthénon !…

Encore que, vu de loin, il paraisse d’un blanc cru, ce temple grec est, en réalité, fait d’un marbre gris mat, pauvre de couleur et assez pareil à du carton. Les proportions, j’en demeure convaincue, sont excellentes, et toutes les matières de qualité supérieure. Des gens doctes ont pris de la peine, on a dépensé beaucoup d’argent pour réussir ce chef-d’œuvre. Le chef-d’œuvre est d’une grande absurdité.

J’entre. Tant de colonnes aux fastidieuses cannelures ont fait fuir les héros fantômes qui s’entre-tuent le matin, ressuscitent à midi pour se mettre à boire. Freya la fleurie, Thor et sa foudre m’ont laissée là, et tous les dieux amis de la mort, affamés de carnage, assoiffés, de beau sang rouge, et tout le sombre poème de la mythologie scandinave. Cependant, le temple grec, qui ne s’appelle pas au hasard Walhalla, est fait pour loger, avec toutes les gloires allemandes, le souvenir d’Odin et de sa cour. Et cela trouble grandement la cervelle des personnes simples. Un Parthénon où l’on voit l’Allemagne