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ratisbonne

dans une ornière et mon nez contre la vitre. Quand je retrouve quelque équilibre, je cherche des yeux la colline. L’homme a dit : C’est la Walhalla…

Rapetissé par la distance, ce temple grec — que voulez-vous, je n’y peux rien, c’est un temple grec ! — semble un joujou triste. Il tient à n’avoir rien de commun avec ce qui l’entoure. Les arbres touffus, le ciel empâté de nuages, tout cela ne le regarde nullement. Il ne se lie pas, ne se prolonge pas, mais reste sec, détaché, isolé. Il est un temple grec et dédaigne la forêt germanique, l’atmosphère brumeuse, le fleuve gris. On dirait que, morose, il demande : « Par où s’en va-t-on ? » Sans doute il faut le voir de près pour qu’il fasse l’effet surprenant garanti par le guide.

Après maint détour, maint crochet, nous arrivons au bas de la montagne. La Walhalla disparaît dans les arbres. Le chauffeur arrête son soubre-sautant carrosse, ouvre la portière et, péremptoire, dit : « Il faut monter à pied. » Je l’assure que je n’en ferai rien. Alors, visiblement convaincu de la supériorité de l’homme sur la femme, et de l’Allemand sur l’étranger, tout grandi par l’orgueil, prêt à la colère, il répète avec force : « Il faut aller à pied, c’est défendu de monter avec des voitures ! » Il est fâché, oui, mais moi aussi ; je réponds : « Ramenez-moi immédiatement à Ratisbonne. » Mon accent, je l’avoue, manque d’aménité. Le chimérique chauffeur met sa machine en marche et sans plus de commentaires nous montons vers la Walhalla… Tout irait très bien, n’en doutez pas, si