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un voyage

Le paysage, me paraît vide. Les lignes se raccordent d’une manière ennuyeuse. Mais les syllabes magiques, rudes et aériennes tout ensemble, sonnent dans ma tête : Walhalla ! Walhalla ! Et des visions naissent. C’est : Ygdrasil, l’arbre de vie, dont les trois racines étreignent toute la terre, dont les branches jettent leur ombre sur tout l’univers. Au pied d’Ygdrasil, se tord un serpent inquiet, qui ronge sans trêve l’écorce éternelle. Au sommet, un grand aigle immobile regarde l’espace d’un œil que nulle lueur n’éblouit. Sur le tronc de l’arbre sacré, un écureuil pervers, monte, descend, et tâche de semer la haine entre l’aigle serein et le serpent… Puis c’est Odin, suivi par ses deux loups taciturnes, dont l’un, Fenris, attend l’heure de le dévorer. Odin qui, au milieu du banquet, interrompt son rire terrible, cesse de boire la cervoise dans sa grande corne, pour entendre les corbeaux, perchés sur son épaule, lui croassant à l’oreille ce qu’ils ont appris ce jour-là de l’histoire humaine. Et c’est Thor, rauque et brutal, dont la main délivre le tonnerre ; et Freya, souveraine de l’amour, sur la robe de qui les fleurs du printemps ne se fanent jamais, et Balder, colossal, doux et beau, dont le fils sera le dieu de justice ; et Frey, aux cheveux de lumière, aux yeux d’ombre, qui commande au soleil et à la pluie fécondante ; et la belle et forte Syn, debout contre la porte, gardant, fidèle et inflexible, la salle des dieux…

Le chauffeur se penche, crie quelque chose, montre au loin une haute colline, jette sa voiture