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par qui voulait, et faisait son métier avec gentillesse et placidité. Le maréchal avait chez elle ses habitudes au point que, pour donner à la maison un air plus intime encore, il y transporta le portrait de sa mère et, distrait, l’y laissa, quand il partit pour ne plus revenir.

Mlle de Verrières commença par lui donner une fille et, ensuite, le trompa avec Marmontel. Le maréchal s’en aperçut, la jeune personne pleura, mentit, recommença. Il finit par se lasser, quitta l’inconstante et peu après mourut. Sa fille avait alors deux ans. La pratique petite courtisane s’adressa à la dauphine, la suppliant de prendre le bébé sous sa protection. La dauphine était une princesse de Saxe et, en conséquence, la nièce du maréchal. Elle fut touchée, consentit à se charger de Marie-Aurore et la fit élever à Saint-Cyr. L’enfant ne revit sa mère que le jour où, à quinze ans, elle sortit de la sage maison pour épouser le comte de Horn, bâtard de Louis XV. Mariage blanc et qui dura peu. Marie Aurore était comtesse de Horn depuis quelques mois à peine lorsqu’on vint la chercher au milieu d’un bal, pour la conduire en hâte dans la chambre de son mari où, jusque-là, elle n’était pas entrée. Elle vit des gens agités, parlant bas, une longue forme étendue sur un lit, une main livide qui traînait lourdement sur le tapis, des taches rouges. Tout de suite on l’emmena. Le comte de Horn venait d’être tué en duel.

La pauvre petite rentra dans un couvent. Puis, la dauphine mourut. La voilà sans protection, sans