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moritzbourg

tendrement du monde, semble-t-il ; — de sa santé, de ses progrès. Même à un moment, elle craint qu’on ne le fasse changer de religion, et se montre émue, mais pas jusqu’à la douleur. La manifestation la plus évidente de son amour maternel se traduit en incessantes demandes d’argent faites à Auguste.

Après avoir perdu son trône polonais, vu la Saxe envahie et durement taxée, subi la volonté de Charles XII — qui pince-sans-rire au dernier point, l’a obligé d’écrire à Stanislas Leczinski, pour le féliciter d’être élu roi de Pologne en son lieu et place, — après tout cela, Auguste a connu de meilleurs jours. La défaite de Pultawa l’ayant débarrassé du terrible roi de Suède, il reprend la Pologne, et la fête fantastique de sa vie. Les maîtresses se succèdent, les bâtards naissent comme champignons, l’argent coule. Il faut payer le palais de Varsovie où la favorite de l’heure trouvera des appartements d’été tout revêtus de marbres rares, des appartements d’hiver où murs, plafonds, portes, tout est couvert en admirables laques de Chine. On conçoit que ce souverain n’ait pas d’argent pour l’ancien amour oublié.

Les bijoux d’Aurore sont en gage, entre autres des perles sans pareilles qu’Auguste lui a données le jour de leurs noces à Moritzbourg. Elle demande de quoi les dégager. Nulle réponse. Elle s’adresse au ministre. Il en parlera au roi. Et puis il n’en parle pas, ou bien le roi n’écoute guère. Pauvres perles que sont-elles devenues ? Jamais la nonne de Quedlinbourg ne les revit.