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un voyage

malheureux garçon était séquestré quelque part et qu’on le reverrait. Enfin, si elle débarqua en Saxe fort chagrine, elle reprit vite cet entrain que rien jamais ne put lui ôter.

Auguste l’adorait. Il était très beau à cette époque, il savait bien comment on parle aux dames de façon à leur plaire. Il entourait la jeune fille d’hommages ardents, la surchargeait de cadeaux fabuleux, organisait pour elle des divertissements inouïs. Ces choses étaient propres à égayer une personne de nature si vive. À ce grand amour, Aurore résista le temps convenable, mais ce ne fut pas un très long temps. Il parut tout simple à cette fière demoiselle, dont la mère était princesse palatine, de prendre rang parmi les favorites — trop nombreuses pour qu’on s’y retrouve lorqu’on les compte — de ce prince débauché. Même elle trouva que c’était beau et mit de l’orgueil à la chose. Mais elle avait un cœur charmant, et bien qu’elle jugeât sa situation normale, indiscutable, noble et magnifique, elle n’aimait point à causer de la peine. Sans nulle bassesse, portant au plus haut sa jolie tête, elle sut se faire endurer par la femme d’Auguste, la pauvre Électrice dont, même, elle devint l’amie, la confidente. Et quelques années plus tard, sa faveur passée, comme Aurore revenait à Dresde pour mettre en train une de ces fêtes qu’elle seule savait rendre parfaites, l’Électrice lui dit avec un soupir : « Ah ! ma chère, de votre temps j’étais bien plus heureuse ! »