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moritzbourg

Le temps passe, la princesse aime toujours davantage et toujours plus impatiemment. Le mystère, la contrainte lui deviennent intolérables. Elle veut s’enfuir, d’abord Kœnigsmark le lui déconseille, et puis le projet l’enthousiasme, il ne rêve plus d’autre chose.

Sophie-Dorothée a écrit lettres sur lettres au vieux duc de Wolfenbüttel qui, jadis, voulait lui faire épouser son fils. Elle a dit ses misères : l’abandon, les infidélités de son mari, la froideur antipathique de ses beaux-parents, les ennemis qui l’entourent… ce qu’elle pouvait dire enfin. Le duc de Wolfenbüttel est un seigneur chevaleresque, d’ailleurs il déteste les gens de Hanovre, il consent à recevoir l’affligée. Et elle, que n’espère-t-elle pas ! Le divorce, le moyen d’épouser Philippe, tous les bonheurs ! Elle va partir. Lui aussi. Nommé général-major au service de Saxe, il demande et obtient son congé. Il a rompu définitivement — et brutalement — avec la Platen. Elle sait que c’est fini, peut-être connaît-elle les projets de fuite. Alors :

En rentrant à la fin d’une journée, Philippe trouve sur sa table un billet : « Ce soir, après dix heures, la princesse Sophie-Dorothée attendra le comte de Kœnigsmark ». Qui a mis là ce billet ? L’écriture est-elle bien celle de la princesse ? Il ne songe pas à se le demander, ni pourquoi ce tour inhabituel. Dix heures sonnent, il jette un manteau à ses épaules, passe le seuil qu’il ne repassera plus jamais, s’en va dans la nuit.