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moritzbourg

Moritzbourg fut bâti pour ce Maurice de Saxe dont, au musée des armures, on voit le pourpoint troué d’une balle mortelle. C’était un homme de grandes ambitions, de grande vaillance et d’un cœur, semble-t-il, peu sûr. Son prédécesseur, Jean Frédéric le Magnanime, s’était mis à la tête de cette ligne de Smalkalde, que l’Allemagne protestante dressa contre le trop catholique empereur : Charles-Quint. Cela ne réussit guère au pauvre Jean Frédéric. Il fut dépouillé de son électorat, condamné à mort, retenu dans une interminable prison. L’héroïque ardeur avec laquelle il défendit sa foi lui attira enfin mille désagréments. Maurice s’y prit d’autre manière. Il combattit la ligne de Smalkalde afin de servir les intérêts de l’empereur. Et Charles-Quint, pour l’en payer, lui rendit l’électorat de Saxe. Là-dessus, Maurice, redevenu bon protestant se montra le plus solide ami de la ligue, le plus ferme ennemi de l’empereur. Même il faillit le faire prisonnier à Inspruck d’où Charles-Quint s’enfuit juste à temps, et avec plus de précipitation que de majesté. Ce Maurice était bien plutôt un réaliste qu’un sentimental.

Dans le temps qu’il malmenait la ligue et aimait chèrement l’empereur, celui-ci chassait parfois à Moritzbourg. Ensemble ils ont couru les beaux bois que voici, le pâle petit malade roux, à l’œil tourmenté, à la pesante mâchoire, et le brillant garçon qui sur ses portraits montre une si belle mine d’entreprise. Le musée de Madrid possède deux tableaux de Cranach le jeune : on y voit représentées