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un voyage

à l’heure, sans que nul en vît rien, la belle dame essuyait une larme donnée à son dernier amour évanoui. Tout joyeux, le négrillon vêtu de satin rose sautille et sort, emportant le bout de dentelle où sèche déjà cette larme ignorée. Cependant des rythmes moqueurs s’accordent aux gestes falots du petit personnage et commentent avec une ironie délicate la grâce de l’amour, sa brièveté, son insignifiance.

Il semble qu’on retrouve condensé dans cet opéra, les images qu’ont apporté les monceaux de gemmes, les armures d’or, les bergers de porcelaine, la blanche église frivole, les jardins, les palais de la ville fascinante : images d’une fête continuelle et toujours diverse, de joies violentes et sans lendemains, de passions légères et sans scrupules. Cette musique scintillante, chaude et railleuse, c’est comme un flacon soudain débouché, d’où s’échappe un subtil parfum immortel.

Il est un endroit, pourtant, où la féerie de Dresde se dissipe, un seul endroit : Le champ de bataille.

Les grandes plaines vides s’étirent en une heureuse paresse. Là-bas, la ville, d’un ton fin de grès, s’entasse. Ici, personne. Mollement le sol monte vers une colline. Presque au sommet, on aperçoit un petit groupe d’arbres, et plus haut, pas très loin, une immense pile de pierres. Un vent doux passe. Un calme infini règne, un air d’oubli est répandu