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un voyage

Frédéric-Guillaume. Frédéric II qui emporta de Saxe tant de meubles, de statues propres à orner ses palais, a-t-il laissé une si précieuse commode par gentillesse ou par ironie ? Peut-être il ne l’aura pas vue…

Comment dire tout ce qu’il y a dans la galerie verte ; Boîtes d’écaille qui semblent retenir dans leurs taches claires un inextinguible embrasement ; coquillages enrichis d’émail et d’or ; nacres serties d’or, coraux montés en or ; camées qui semblent ternes, parmi tant de reflets et de pétillements ; cristaux de roche plein de givre ou d’une pureté épaisse et magnifique…

Dans une vitrine, enfin, les parures d’Auguste II : douzaines de boutons, plaques de chapeau et de cravates, épées et boucles. L’une de ces parures est tout en diamants énormes, une en rubis et diamants, une en saphyrs et diamants, une en cornaline et diamants… il y en avait d’autres encore, sans doute.

Est-ce réel tout cela, ou bien si en rêve ? Après la guerre de Trente ans, l’Allemagne dévastée, fumante, n’avait certes pas eu le temps de guérir ses plaies. Et cet Auguste II, il connaissait aussi quelques difficultés, il était roi de Pologne, puis il ne l’était plus, puis il l’était encore. Où trouvait-il le loisir de commander tant de surtouts, de services à thé, où les trente-trois millions du camp de Mühlberg et les sommes folles pour les maîtresses, les bâtards, les chevaux habillés de diamants. Par quels moyens réalisa-t-il le féerique ballet que fut son règne, ce sultan amoureux des femmes, des pierreries et des fragiles porcelaines ?…