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un voyage

soyeux comme des rubans ; noirs huileux comme « ces trous où l’eau dort dans la nuit » ; rouges secs et vifs de cire ; jaunes qui rayonnent au loin ; arabesques d’une invention inépuisable ; formes saugrenues ou harmonieuses ; énormes potiches, vases minuscules, plats où nagent des fleurs et des monstres, grâces et bizarrerie. Sur toutes ces choses la lumière coule, glisse, patine, s’accroche en vifs accents, s’amuse, dirait-on.

Puis c’est la Saxe, ses mièvres élégances, son afféterie mignonne. Les porcelaines blanches de Handler, et ses polychromies exécutées sous l’influence du français Acier, qui dirigea longtemps la fabrique de Meissen. Et encore, des services d’un émail si pur, des tasses jolies presque autant que les coquillages, des groupes de figurines : déesses aux fins corps nus, jeunes dames qui rêvent, écoutent des propos galants, fuient des ravisseurs ; bergers flûtistes ou tendres, cavaliers montrant leurs belles jambes, cambrant leur mince taille : tout un peuple de charmants acteurs sans sérieux. Puis des pendules, des surtouts, des meubles, les innombrables objets que purent imaginer pour boire, manger, orner leur vie des gens amoureux de luxe, d’art souriant, et qui, — on en est sûr dans ce musée — ne pensaient point qu’un jour il faut mourir.

Boettcher, l’inventeur de cette porcelaine charmante, a sa légende.

On raconte que certain forgeron passant d’aventure par Aue en Saxe, remarqua aux fers de