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dresde

était tenté de faire sur la place, y resterait-on jusqu’à l’heure de reprendre le train. Et il y a les musées !

Celui des porcelaines, d’abord. Rien n’est si expressif ! On a ici un contact direct avec les âmes du XVIIIe siècle : ces âmes de luxe, d’activité vaine et de paresse, frivoles, subtiles, éprises d’idées dangereuses comme elles étaient éprises d’objets coûteux et fragiles. Ces beaux messieurs, ces belles dames avaient, j’imagine, les mêmes raisons pour rechercher les porcelaines et pour s’occuper de « philosophie ». — D’ailleurs, ils ont laissé des descendants.

Les trésors de ce musée, un choc suffirait à les détruire ; pourtant ils survivent aux guerres et aux pillages. À l’approche de l’ennemi et tandis que le prince décampait prudemment, on cachait les porcelaines. Ensuite, le prince rentrait chez lui : les porcelaines, sorties de la cave, brillaient de nouveau, fraîches et intactes. Tout était bien.

Il me semble que la porcelaine est une matière particulièrement insensible. Le temps ne lui donne jamais cette gravité dont l’usure ennoblit le marbre, le bois, l’or, tout, excepté elle, qui reste jeune indéfiniment, comme font certaines gens à cœur sec. Pour ce motif, dont l’absurdité ne doit échapper à personne, je n’aime guère la porcelaine. Cependant, il faut admirer la prestigieuse collection de Dresde.

L’Orient est là chez soi : verts de Chine aigres et succulents comme l’herbe ; bleus de Perse,