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dresde

Dresde, peintes par Bellotto pour le comte de Brühl, ministre d’Auguste III – un fâcheux ministre, mais quel savant amateur d’art ! – Le bon peintre vénitien nous apprend à saisir l’action de cette atmosphère, rapprochée, si on peut dire, et qui donne à la moindre coloration une éloquence mystérieuse. Grâce à lui, on sent quelle qualité rare ont les noirs de Dresde, si mats, et au voisinage desquels un coin de bleu dans le ciel devient précieux, et donne l’émotion d’une belle découverte. – Ces noirs qui soulignent un ornement de quelque large trait gras, ou d’une égratignure mince comme un coup de burin, et font d’une simple corniche le plus admirable objet ! – Puis ce sont les ocres, qui, ternes d’abord, s’animent sous le regard, deviennent riches autant que les anciens ors pâteux des missels. Et encore, l’amortissement délicat des verdures ; et, sur toutes choses, la couleur de l’Elbe, où des gris froids d’acier, se nuancent d’un peu d’azur, brunissent, s’éclairent, jouent en une gamme infiniment variée et discrète, entre les berges dont le jaune et le vert pâles sont encore du gris. Toute l’intensité et la suggestion de Dresde se résument dans les toiles de Bellotto. Elles semblent éteintes, à la manière d’une tapisserie ; mais soudain, un blanc crémeux, une tache à peine rouge se mettent à vivre, et, comme une lointaine fanfare, réveillent le passé.