Page:Bulteau - Un voyage.pdf/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
un voyage

nombre. Et eux, les Italiens, obéissaient à une inspiration particulière. Le baroque romain et, au xviiie siècle, le rococo français, tout prend ici un caractère oriental. C’est le léger écrasement d’une coupole, la flexion d’une ligne, l’effilement d’un clocheton qui fait penser à un minaret ; les mouvements assouplis d’un pavillon qui évoque quelque pagode ; un ornement sculpté qui, sans qu’on l’ait voulu peut-être, ressemble aux arabesques peintes sur les vases chinois.

Malgré ses magasins et ses fiacres, Dresde garde l’aspect d’une salle décorée pour des fêtes inouïes. Et elle agit de même sorte que la musique, substituant des visions à la réalité actuelle. Ses palais ciselés, ses porcelaines, ses joyaux, sont les thèmes qui ressuscitent des existences fabuleuses, dégagées de toute contrainte, où le plaisir n’acceptait pas de limites, où, parmi des œuvres d’art, des recherches folles et exquises, les heures coulaient, pleines de carrousels, de danses, de festins, de passions violentes et brèves, de joies brutales et délicates : une vie plus étrange à nos yeux que les contes d’Orient à quoi elle ressemble.

Ces visions excessives de couleur, de lumière, de mouvement, sont rendues plus sensibles encore par l’atmosphère grise et mélancolique de la ville. Un gris fin, argenté, mais qui, ailleurs, vous attristerait pourtant. Ici le contraste qu’il fait aux images sans cesse renaissantes, éveille singulièrement l’esprit.

Il faut regarder avec soin la série des vues de