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potsdam


Je les reçus avec tendresse,
Je vous les rends avec douleur.
C’est ainsi qu’un amant dans son extrême ardeur
Rend le portrait de sa maîtresse.

Frédéric lui fait sur-le-champ rapporter « les grelots et la marotte » et presque aussitôt l’invite à souper. Il veut malgré tout — et d’autant plus — garder le « scélérat » qui l’amuse. S’il avait une seule minute aimé, estimé Voltaire, se jugeant offensé par lui dans son orgueil, déçu dans son affection, il le jetait à la porte. Il n’est pas déçu, rien aux profondeurs de lui n’a changé. Il n’a perdu ni son amitié, car jamais il n’eut d’amitié, ni son respect, car jamais il n’eut de respect. Voltaire l’a bravé, mais il a humilié Voltaire. Il a pris soin de nous dire que c’est « un singe qu’on doit mépriser après l’avoir fouetté ». Un singe dont les tours ne laissent pas d’être divertissants, un singe dont on n’a plus rien à craindre lorsqu’on l’a bien battu, épouvanté, et dont alors la drôlerie et l’abaissement donneront de rares joies à son excellent maître. Que dans sa colère, Frédéric n’ait pas mis Voltaire hors de chez lui, cela montre assez quels ont été toujours ses sentiments pour le singe, et quoi que Voltaire ait pu commettre, cela prouve qu’il fut la dupe de ce marché.

Lui, il voulait partir à toute force. Il demande assez longtemps la permission d’aller aux eaux de Plombières : on lui propose celles de Glatz. Il rêve d’évasions romanesques, et, par exemple, de se faire