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rait son départ. Il avait demandé l’argent du voyage. On lui accorde de l’argent. À vrai dire, moins qu’il n’en eût souhaité, mais pour compensation, le roi ajoute des vers de sa fabrique, mi-flatteurs, mi-injurieux, où il se compare à Jupiter et l’autre à Danaé. Tout cela est bien pour séduire ? Voltaire hésite ! Son « ange » d’Argental, et sa nièce tâchent de le retenir par des pronostics alarmants. Lui-même, à la minute de s’exiler, éprouve sans doute quelque anxiété, un pressentiment peut-être. Pour le décider, Frédéric, impatient, use d’un moyen qui jette, il me semble, une lueur définitive sur sa « tendresse » pour le sublime vieux diablotin.

Voltaire lui a recommandé un jeune homme de lettres assez médiocre, Baculard d’Arnaud. Ce garçon, d’abord chargé d’écrire au roi les nouvelles littéraires de Paris, plaît ; Frédéric l’appelle à Berlin. D’Arnaud arrive, et dans le temps que Voltaire s’attarde, il adresse au roi une épître pour le remercier du bon accueil. Frédéric riposte aussitôt ces gens ne pouvaient remuer qu’ils ne se jetassent l’un l’autre, des vers à la tête. Dans sa réponse, faisant allusion à ce Voltaire qu’il aimait si chèrement, qu’il admirait si fort, le roi dit :

L’Apollon de la France
S’achemine à sa décadence,
Venez briller à votre tour.
Élevez-vous s’il baisse encore.
Ainsi le couchant d’un beau jour
Promet une plus belle aurore.