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grâces intellectuelles accusent plutôt qu’elles ne cachent la sécheresse, nous renseigne là-dessus. Frédéric parut lui être attaché tout le temps qu’ensemble ils furent martyrisés. Mais lorsqu’il revint à la cour, après la captivité et l’exil qui suivirent sa tentative d’évasion, il était refermé, refroidi, Et dans les Mémoires de la spirituelle margrave, sous le respect, l’admiration qu’elle témoigne pour lui, on trouve constamment la trace d’une secrète amertume. Peut-être Frédéric l’a-t-il un peu plus estimée que le reste des créatures, mais aimée, non. Il n’a rien aimé. Détourné des passions normales qui attendrissent, il n’est à l’aise que dans le mépris. Mépris, méfiance, orgueil, volonté, il n’y a rien d’autre dans ce cœur inhumain.

Si, pourtant, et cela l’achève, il y a : l’homme de lettres avec ses vanités, ses susceptibilités, ses jalousies, sa mauvaise foi et, par-dessus tout, son appétit de la réputation immédiate. Il a dit, au sujet de l’envahissement de la Silésie – la première de ses mauvaises actions politiques, qui devaient si bien tourner — : « L’ambition, l’intérêt, le désir de faire parler de moi l’emportèrent, et la guerre fut résolue. » Puis ailleurs, il avoue encore : « La satisfaction de voir mon nom dans les gazettes, et ensuite dans l’histoire. » Il pense aux gazettes ! Et ce n’est pas seulement comme général victorieux qu’il tient à y paraître. Le rimailleur aussi voudrait sa belle place. À propos d’un pamphlet où Frédéric l’injuriait assez grossièrement, Voltaire écrit : « Il a fait de la prose pour le plai-