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à les enfermer, et que l’habitude d’en voir enlève toute curiosité aux passants ? Quelle absurde pensée ! Non ! Non ! J’ai rencontré en une demi-heure les deux seuls fous qui soient en liberté dans la ville. C’est une chance. Voilà tout. Et si les autres ne les remarquent pas, c’est charité peut-être, ou distraction. Qu’importe ! Il n’y faut plus penser.

Le Jardin Zoologique est un des plus beaux d’Europe. Les bêtes nombreuses, superbes, bien portantes, sont largement installées. Partout des fleurs admirables, du pittoresque, de l’espace : la perfection. Notre Jardin des Plantes, notre minable Jardin d’Acclimatation, quelles humiliantes images leur souvenir apporte !

Ayant vu manger le Seigneur Tigre et le Roi Lion, un spectacle toujours assez répugnant, je m’installe dans l’un des restaurants qui entourent le lac, et où plusieurs orchestres jouent excellemment des musiques disparates. Les promeneurs défilent par centaines, par milliers. D’abord mon attention est un peu molle, puis la curiosité s’éveille, à la fin je regarde tout ce monde avec une inquiétude croissante.

Les femmes sont très élégantes, ou, pour dire mieux, très « habillées », trop même et trop selon la mode. Peu de robes datant de la saison dernière. Les trouvailles récentes : jupes montrant la jambe, tailles courtes, corsages très échancrés au cou. Pour