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la wartbourg

le doute, les sursauts de l’espoir. Il dut songer plus d’une fois que les protecteurs se lassent à la longue, que Lancastre enfin abandonna Wicleff, et que, un sauf-conduit à la main, garanti par une impériale parole, Huss aboutit au bûcher.

Dans cette chambre pendue comme un nid au-dessus des bois, je me rappelle un tryptique devant lequel je suis restée longtemps à Weimar. Trois petits portraits de Luther réunis dans un cadre : L’un, c’est le jeune moine d’Erfurt ; le second le montre tel qu’il devait être pendant sa réclusion à la Wartbourg ; le troisième, c’est le vainqueur.

Guidée par ces trois visages, il me semble refaire avec lui le chemin de sa pensée, quand il contemplait l’ombre montant de la vallée, qu’il écrivait pour précipiter les âmes, ou quand, tout troublé dans sa solitude, il marchait de long en large. Lui aussi devait regarder tour à tour le jeune moine qu’il avait été, le combattant qu’il était, le triomphateur qu’il serait.

Ces trois images ont une forte signification. Le moine d’Erfurt est maigre, nerveux, frémissant : figure de mystique et d’impulsif. – On se rappelle que, pour le jeter au cloître, il suffit de l’émotion violente que lui donna la mort d’un ami tué à son côté par la foudre. — Dans ce cloître, il apporta son Virgile et un grand désir de sainteté. Il jeûnait tout le jour, priait toute la nuit. L’âme du réformateur audacieux n’apparaît pas dans le portrait du jeune moine. Elle dormait profondément. Elle n’était pas née encore peut-être. Il lisait passionnément